Claude Durussel
Claude Durussel
Textes
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Sa formation commerciale et sa recherche du contact avec les gens sont les raisons pour lesquelles elle préfère la vente de fleurs et d'oeufs aux marchés d'Onex et de Lancy à un travail confiné dans un bureau. Ayant la plume assez facile, Claude a écrit des petits billets pour le journal des Eaux-Vives qui est le quartier de sa naissance, puis l'envie lui a pris tout d'un coup de s'exprimer plus librement sur la vie de tous les jours et, sur l'instigation d'un journaliste de la Tribune de
Genève, elle a fait éditer de savoureux petits livres rassemblant des petits billets sur ses réflexions au fil du temps.
Ces petits livres, je les ai tous lus, et tous savourés . . . et je n'ai pas pu résister au plaisir de vous recopier quelques uns de mes coups de coeur . . .
HUMIDITE
Si un jour de pluie tu t'ennuies : viens !
Je t'invite sous mon parapluie. Tu verras le paysage en
rouge, en vert, en jaune.
Rouge comme un coucher de soleil, vert comme une prairie,
jaune comme un bouton d'or.
Et si cela ne te met pas le coeur au beau fixe, c'est que tu
n'as rien compris à la
pluie, ni à mon parapluie !
LES JUMEAUX
Joël et Raphaël riment comme toit et bois, comme
Gruyère et bruyère . . .
Ils ne sont nés ni le même jour, ni le
même mois, ni la même année. Mais ils
s'entendent mieux que frangin-frangine, cousin-cousine.
Joël et Raphaël taureau et vierge !
Leurs amours, leurs joies, leurs espoirs, leurs
détresses. Les femmes. Celles dont ils rêvent,
celles dont ils rient, celles qu'ils aiment, celles qu'ils
aimeraient, les amies et les meilleures copines.
La meilleure copine, c'est encore ce qu'il y a de mieux.
C'est la fille chouette, sympa, compréhensive,
complice, drôle, un peu moqueuse, serviable. Presque la
femme parfaite, mais . . . Et c'est ce mais qui la qualifie.
On peut tout lui raconter. Elle écoute. Elle comprend.
Un des jumeaux est en manque de confitures ? Pas de
problème : la meilleure copine !
L'autre est enfin amoureux, à qui le dire ? Pas de
problème : la meilleure copine !
Les jumeaux l'associent à presque à toutes leurs
aventures. Un coup de fil, c'est si facile ! Car ni l'un, ni
l'autre ne postent une lettre . . .
Entre eux, ils ont un code qu'elle ne saisit pas toujours,
mais ces jumeaux-là sont si adorables qu'elle
souhaiterait qu'ils ne fassent qu'un.
Alors, les yeux cachés par les ailes d'un grand
chapeau noir, elles les observe.
Et souvent elle éclate de rire.
Pour cacher ses larmes.
Car les jumeaux l'aiment ainsi: un peu exubérante,
mais pas trop. Et sans les jumeaux, la meilleure copine
serait souvent seule, les cheveux dans le vent, la tête
dans les étoiles.
Et la réalité à ses pieds . . .
PRINTEMPS
Aux premiers rayons du soleil, mes voisines sortent les
matelas, décrochent les
rideaux, battent les tapis.
Pas moi !
Ensuite elles astiquent, encaustiquent et briquent.
Pas moi!
Plus tard, elles soupirent.
Pas moi !
Aux premiers rayons du soleil, je prends un couteau, un
panier d'osier et je cours les pré.
Je cueille !
Ensuite, je sors la chaise longue, enlève mes
chaussettes et ma jupette.
Je profite !
Plus tard, je soupire.
De bien-être.
Je me dore et m'endors !
Pas elles . . .
BROUILLARD
Il arrive tout doucement pendant la nuit. Vapeurs d'eau
froides et épaisses qui montent du Rhône et
s'étalent sur la Cité-Nouvelle. Il est amoureux
des tours, les enlace avec tendresse et ne les quitte qu'en
fin de matinée. Ma voisine ne l'apprécie
guère : elle cafarde.
Moi, je l'aime ce brouillard. Il donne un petit air
mystérieux à ce grand quartier. Je ne vois plus
les immeubles qui ressemblent à des navires:
effacées les mille et une grues, plus d'antennes, plus
de longues cheminées : je ne vis plus dans un port!
Je vogue toute seule dans un univers ouaté, tout
blanc, tout calme.
En faisant mes courses, je joue au chat et à la souris
avec des silhouettes. Est-ce le concierge d'en face avec sa
nouvelle perruque ou le marchand d'oeufs qui n'a pas les
les yeux bleus ? Ni l'un ni l'autre. C'est le balayeur de
ma rue. Un chouette vieillard, tout sec, tout ridé avec
une belle moustache sous laquelle brûle toujours un
petit cigare.
À midi et demi, d'un coup de rayon magique, le pâle
soleil d'hiver transformera le paysage :
Bonjour Voirons, bonjour Salève, Mont-de-Sion, Vuache,
Jura, bonjour !
La neige de vos sapins brille; c'est beau tout ce ciel bleu.
Bonjour soleil ! A demain brouillard !
À L'ECOLE
- L'instituteur : Qu'est-ce-qu'un terrain inculte ?
- Denis : je ne sais pas, M'sieur.
- Domino (l'oeil malicieux) : C'est un terrain où il
n'y a pas de messe . . .
LA MAISON
Jolies fenêtres, poutres, un vrai toit pas plat, une
terrasse, une cheminée. Un gros toit de gros bois.
Une belle Maison.
Une grande chambre et une plus petite. Avec un lit à
presque deux places. Un grenier. Oui, un grenier.
Vraiment une belle maison.
C'est ici que je peux rester, seule, durant toute une semaine
avec ma machine à écrire et tout autour des
prés, des forêts, des montagnes, une
rivière, un village, son église, son
épicerie, son bistrot.
Il y a aussi les gens. Gentils. Malicieux.
Les gens qui entrent, qui sortent de la maison; car la maison
n'est jamais fermée à clé.
Et c'est çà une vraie maison. Celle où
l'on peut vivre comme on veut, avec qui on veut.
Tout en respectant scupuleusement les consignes du
propriétaire : le sucre au bon endroit, du bois
prêt à être allumé dans la
cheminée, des draps bien tendus, les services dans les
bonnes cases du tiroir et - surtout - remettre la pendule
à l'heure.
À l'heure de la maison heureuse d'être
appréciée au rythme des saisons et des
invitations.
N.B. Les dessins qui accompagnent ces petits textes ont tous été faits par Eric Durussel, le mari de Claude, également membre d'Onex Violon d'Ingres.